Emploi et coût du travail
Dans tous les cas ou presque (il faut toujours des exceptions pour vérifier une règle), la demande augmente si le prix baisse, et par contre l'offre augmente si le prix augmente. Si on prend l'exemple de la viande de boeuf, en schématisant, moins elle sera chère et plus les gens en achèteront, plus elle sera chère et plus les éleveurs auront envie de faire du boeuf plutôt que du mouton.
Comment arrive-ton à l'équilibre ? Si le prix est trop cher, la demande est faible, et les éleveurs n'arrivent pas à vendre leur viande : ils sont donc forcés de baisser leurs prix, ce qui incite les consommateurs à acheter plus, et leur permet donc à court terme d'écouler leurs stocks; à plus long terme, une fois leurs comptes faits, certains éleveurs concluent qu'il vaudrait mieux faire moins de boeuf et plus de mouton, et l'offre va donc se réduire, ce qui permettra aux prix de remonter un peu. Le marché tend donc vers un équilibre où le niveau de la demande est égal au niveau de l'offre.
En pratique, le fonctionnement du marché est en fait plus compliqué, parce que les évolutions ne sont pas instantanées : autant les consommateurs peuvent réagir du jour au lendemain à une variation de prix, autant les éleveurs ont des temps de réaction plus lents car leurs décisions doivent être mûrement réfléchies et ne prennent effet qu'après quelque temps (il faut vendre les vaches, acheter des brebis, attendre la gestation et élever les agneaux avant de pouvoir mettre sur le marché de la viande de mouton à la place de viande de boeuf). Ceci explique que des situations de déséquilibre puissent se produire, et même que certains marchés soient presque toujours en crise.
Cependant, le processus d'ajustement de l'offre à la demande, et vice-versa, est à l'oeuvre en permanence, et tend à ramener les marchés vers une situation d'équilibre; c'est pourquoi ce processus est fondamentalement sain, et c'est pourquoi le rôle des pouvoirs publics est de faire en sorte de le favoriser en éliminant les entraves à son bon fonctionnement.
Dans le cas du marché du travail, le processus est le même : il y a une offre de travail (par les gens qui veulent travailler), et une demande de travail (par les employeurs), et les forces d'ajustement de l'offre à la demande sont à l'oeuvre, ici comme ailleurs. La rémunération du travail au sens large (incluant le salaire, les avantages sociaux, les conditions de travail,etc...) a tendance à se dégrader lorsque le chômage est élevé, alors que par contre en période de plein emploi les rémunérations ont tendance à augmenter (ce qui d'ailleurs pose également des problèmes, puisque cela génère de l'inflation).
Le marché du travail devrait donc trouver son équilibre, ce qui est loin d'être le cas en France où il y a un grand nombre de demandeurs d'emploi, ce qui indique que la demande est inférieure à l'offre, et ce depuis fort longtemps. En toute logique, si le marché du travail ne s'équilibre pas, c'est parce qu'il existe des entraves au processus d'ajustement de l'offre à la demande, entraves qu'il faudrait supprimer pour revenir au plein emploi. Mais bien sûr, ce retour au plein emploi ne pourrait se faire qu'avec une réduction de la rémunération du travail, et c'est bien là que le bât blesse.
Certains économistes diront que mon raisonnement est faux car l'offre de travail dépend surtout du niveau d'activité, lequel dépend de la consommation, lequel dépend du pouvoir d'achat, lequel dépend du niveau des rémunérations, et que donc une baisse des rémunérations a pour effet d'augmenter le chômage.
Je suis d'accord sur le fait qu'une baisse de l'activité aurait des résultats néfastes sur l'emploi, mais je maintiens qu'une baisse du coût du travail est nécessaire pour augmenter la demande de travail de la part des employeurs et qu'il est urgent de supprimer les entraves au bon fonctionnement du marché du travail qui font qu'aujourd'hui, en France, un employeur potentiel ne se résoud à embaucher qu'en dernière extrémité.
Le problème est donc le suivant : comment faire en sorte que le coût du travail pour l'employeur diminue afin que la demande de travail augmente fortement, sans que le pouvoir d'achat des travailleurs n'en souffre, et sans que le prix social à payer soit inacceptable politiquement ?
Les deux types de mesure qui viennent prioritairement à l'idée sont les suivantes :
- arrêter
de faire porter sur le travail les dépenses d'assurance maladie, en
mettant en place une couverture universelle financée par l'impôt; je
parle ici de l'assurance maladie seulement, car il n'y a aucune logique
conceptuelle à lier celle-ci au travail, contrairement à d'autres
dépenses de protection sociale telles que l'assurance chômage ou la
cotisation-retraite.
- il faut faire disparaître (ou
réduire) les entraves au bon fonctionnement du processus d'ajustement
de l'offre à la demande en supprimant ou remplaçant tous les
dispositifs qui ont cet effet (par exemple le SMIC, dont le rôle
essentiel est d'empêcher les rémunérations de baisser, et qui pourrait
être remplacé par un impôt négatif)